• Une tortue

    Sur l’autoroute, une tortue se presse. «Encore quelques pouces et le chemin des monstres ne sera qu’un mauvais souvenir!»

    Je regarde dans mon rétroviseur de gauche : personne. Je mets mon clignotant, change de voie, évite le petit être…

    En regagnant ma voie, je regarde dans mon rétroviseur, je la vois réussir, traverser la ligne blanche, puis disparaître dans les herbes hautes qui bordent sa forêt, sa vie.

  • La belle comédienne

    Un nid de pluvier kildir! J’entendais et voyais souvent des pluviers, mais jamais je n’avais vu un de leur nid. Enfin… il était là, entre deux rangs de choux; c’était à l’été 1986, si mes calculs sont bons. Il était magnifique par sa simplicité; rudimentaire, parfait : il était fait de de petites pierres adoucies, polies par l’érosion.

    Le deuxième nid, je l’ai vu dans une allée de jardins communautaires; à l’été 2001, je pense. Afin de le protéger, des jardiniers avaient placé des bâtons tout autour du nid. Les pluviers ne sont-ils pas nos amis en s’alimentant d’espèces nuisibles?

    ***

    Et voilà que ce matin, j’en ai trouvé un troisième. Alors que je devais partir d’un terminal avec une remorque, je vis une comédienne mimer une blessure. Je me suis dit que ses oeufs ne devaient pas être loin.

    Pour ce nid, l’oiseau a utilisé des déchets laissés au sol. Simplement.

    Je laisse ici des vidéos qui montre la comédienne et son nid.

    J’ai déposé un cône pour protéger la futur scène de naissance; puis j’ai repris la route. Ça m’a mis un peu en retard, mais j’me sens pas coupable pour cinq cennes…

  • Just In Time

    Je me souviens d’une congestion routière où, dans l’attente, je regardais les papillons voler ici et là, au dessus des autos. Je les regardais et je me disais qu’ils traversaient une route comme ils le font rarement : en toute sécurité. S’ils sentaient la chaleur des moteurs, ça n’avait pas l’air de les achaler pour cinq cennes. Ils avaient vraiment l’air libres… Nous étions retardés dans une congestion à cause de travaux; alors qu’ils étaient à temps à repérer des fleurs au rythme de la nature…

    Des fleurs qui avaient éclos en fonction du rythme de vie des insectes; qui eux, arrivaient en fonction du rythme de vie des fleurs… Just In Time

  • Curieuse!

    Je paresse au lit, dans la chambre du sous-sol. J’ai du temps. Il est entre cinq et six heures (heure avancée d’été).. Je prends la route à huit heures seulement..

    J’écris que c’est l’heure d’été pour souligner l’arrivée très matinale d’une curieuse survenante : il est entre quatre et cinq heures pour cette jolie merle d’Amérique, toujours à l’heure normale…

    Elle est vraiment jolie. Le roux de sa poitrine est pâle; plus en accord avec la nature. Le roux des mâles est beaucoup plus marqué, vif.

    Alors voilà, je paresse quand, tout à coup, je l’entends. En fait, j’entends quelque chose provenant de dehors. Je me dis que ça va passer. Que c’est peut-être un voisin qui s’occupe à un truc.

    Après quelques secondes, je comprends que ça ne s’arrête pas. On veut donc me sortir du lit?

    ***

    J’ai tout d’abord cru qu’elle s’était blessée sur la vitre. Des millions d’oiseaux sont morts ainsi. Les véhicules, les pesticides, les fenêtres; la modernité est meurtrière…

    Je m’approche de la fenêtre pour mieux la voir. Au moment où elle m’aperçoit, elle s’éloigne de la fenêtre, reste en retrait quelques instants, puis s’envole. Si j’avais eu mon cellulaire, je l’aurais filmée.

    ***

    Pendant la journée, je me demande ce qui l’a attirée. Le sapin reçu à Noël et oublié sur le bord de la fenêtre? Enfin…

    ***

    Le lendemain (hier), autour de la même heure, j’entends de nouveau les cognements contre la vitre. Elle est revenue! C’est donc volontaire. Mais je n’ai toujours pas mon cellulaire à portée de main : même scène : elle s’éloigne quand je m’approche et s’arrête; et observe la tête dépeignée qu’elle vient de réveiller.

    ***

    Hier soir, avant d’aller au lit, j’ai déposé le cellulaire sur la table de chevet…

    Elle est revenue. Une fois. Deux fois. Trois fois… Toute la journée! Je laisse ici deux vidéos.

    Elle semble saine. Fouille dans les feuilles et tire sur les vers comme tout merle d’amérique en santé le fait. Elle est vive, réactive, gagne sa pitance avec habileté.

    ***

    Au final, ce n’est pas le sapin qui l’attire. Je l’ai retiré et elle est revenue quand même… Je soupçonne un miroir appuyé à un mur et visible de l’extérieur; mais elle est allé aussi à la fenêtre de la remise; puis à celle de ma chambre… Enfin, peu importe la raison, c’est de la belle visite. Elle niche probablement tout près (dans la haie?)..

  • « À coeur vaillant, rien d’impossible » – Jacques Coeur

    Ils étaient au moins trois. Peut-être cinq en tout. De la route, je me disais qu’ils devaient être à la retraite, que ce n’était pas leur place naturelle. Mais personne n’orait oser, je pense, leur enlever leur sacs à poubelle. Courbés, ils cueillaient, ici et là, les déchets des autres.

    Je les trouvais beaux, avec leur cheveux blancs et leur veste orange. Beaux et courageux!

    Habtiuellement, le nettoyage des bordures d’autoroute est réservé à des employés des gouvernements. Ou à des prisonniers. Pas à des retraités.

    C’était dans le Michigan. Cet état que nous, les camionneurs, sommes toujours heureux d’éviter à cause des routes cahoteuses, reconnues pour être parmi les plus dures pour le dos. Pires que celles du Québec, selon moi.

    Ce souvenir de ces retraités m’est revenu à l’esprit cet après-midi, en regardant le bord d’une route. Maintenant que j’y repense, je me dis que ces femmes et ces hommes avaient vraiment du courage… Imaginez! Malgré l’usure de votre corps, vous voulez retrouver un peu les routes de votre jeunesse, exemptes de déchets. Vous voulez retrouvez un peu le printemps d’antan. Mais vous n’avez pas de pouvoir; et votre état ou votre province peine à entretenir ses chemins, faute de fonds… Au lieu de la nostalgie et de l’apitoiement, vous vous choisissez de vous retrousser les manches et vous faites renaître littéralement des bordures de routes… Un peu comme le fait Elzéard Bouffier, vous redonnez un sens à ce monde brisé, méprisé…

  • 2

    J’ai déjà eu un blog. Et je ne pensais pas en écrire un nouveau. En fait, c’est quelques jours après avoir débuté la lecture de Saisir la vie au vol que j’ai décidé de louer cet espace et d’y écrire.

    Je ne savais pas quoi écrire. J’ai eu envie de dire ce que je voyais. C’était triste… Enfin… Il y avait, à environ trois ou quatre cent mètres de mon camion, un immense tas de copeaux de bois, restes d’hectares de forêts broyés. Je voulais écrire quelque chose de moins triste, j’ai finalement opté pour la fonction des ballots de pulpe de bois, un sous-produit des copeaux : des mouchoirs.

    C’est beau, des ballots de pulpe de bois. Toute souris y ferait son nid. C’est un peu ce que l’on fait par la lecture : un nid.

    Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un blog. C’est via un lien partagé par une amie que j’ai découvert l’existence de l’inspirant Saisir la vie au vol. C’est donc au ralenti, avec attention, que j’ai lu. Puis relu. Et que je vais aller lire et relire.

    L’adresse :

    https://carolaplante.com

  • 1

    Albany, Georgie. États-Unis.

    La cabine du camion bardasse; on est en train de finir de prendre les derniers ballots de pulpe de bois… Pour en faire des mouchoirs, je pense… Parce qu’il y a des larmes et des rhumes et tout…